Parlement européen : le siège de Strasbourg doit-il être abandonné ?

par La rédaction de TF1info | Reportage TF1 : M. Des moulins, Q. Danjou, F. Amzel
Publié le 15 avril 2024 à 11h27

Source : JT 20h WE

Tous les mois, les élus du Parlement européen ont l’obligation de quitter Bruxelles pour Strasbourg, l'autre siège français de l'institution.
Ce qui entraîne chaque fois un gigantesque déménagement au coût exorbitant, sans parler du bilan carbone.
La question se pose donc : faut-il abandonner le site français ?

Comme chaque mois à Bruxelles, une députée européenne doit jouer les déménageurs pour entasser toutes ses affaires dans une malle, en direction de Strasbourg. À tous les étages, c’est le même rituel pour les 700 parlementaires. Et c’est ainsi depuis 30 ans : deux sièges en Europe et l’obligation de se réunir côté français, quatre jours chaque mois, avec une logistique hors norme.

Rien que pour les malles, quatre poids lourds vont faire le trajet Bruxelles-Strasbourg, 800 kilomètres aller-retour, douze fois par an. De même pour une centaine de voitures avec chauffeur, et de trains spécialement affrétés, pour les milliers de salariés de l’institution.

Mauri Pekkarinen, eurodéputé finlandais, peut mettre "jusqu'à 11 heures" pour se rendre à Strasbourg

Ce déménagement massif, le Parlement européen a interdit au 20H de TF1 de le filmer et nous a simplement transmis des images. L'institution est-elle mal à l’aise ? Probablement, car le coût du double siège est régulièrement pointé du doigt : 114 millions d'euros par mois, selon la Cour des comptes européenne, une aberration pour tous nos voisins.

"On maintient deux bâtiments, deux parlements qui sont complètement fonctionnels, mais il y en a forcément un des deux qui n'est pas utilisé à un moment donné. Donc oui c'est un gaspillage énorme", dénonce Daniel Freund, eurodéputé allemand. Et son collège néerlandais Bert-Jan Ruissen d'abonder : "Selon moi, il faut fermer Strasbourg le plus vite possible."

Le système actuel n'est pas seulement trop cher, il est aussi peu pratique. Illustration avec le cas de Mauri Pekkarinen, un élu que nous avons rencontré, originaire du beau milieu de la Finlande. "Je prends un vol jusqu'à Helsinki, puis un autre jusqu'à Paris, et ensuite un train jusqu'à Strasbourg. C'est très compliqué. Parfois, je peux mettre jusqu'à 10 voire 11 heures", détaille-t-il. Ce qui représente le double de son trajet jusqu'à Bruxelles. 

Le siège de Strasbourg rapporte beaucoup à la France

Quant aux défenseurs du siège alsacien, c'est côté français qu'il faut les chercher. Pour eux, qui sont de bords politiques différents, pas question d'abandonner Strasbourg. "Pour la France, c'est un enjeu majeur de garder sa place centrale dans le travail politique européen", plaide ainsi François-Xavier Bellamy, eurodéputé français, tête de liste Les Républicains aux élections européennes. 

Thierry Mariani, eurodéputé RN, ajoute : "C'est un symbole qui nous coute cher mais auquel les Français sont attachés." Eurodéputée Renaissance, Ilana Cicurel ne dit pas autre chose : "La démocratie a un cout. C'est un bon investissement. Le bon mot c'est 'investissement', pas 'dépense'."

À chaque fois, même les chauffeurs et leurs véhicules doivent faire le déplacement jusqu'à Bruxelles... à vide. Notamment pour attendre les élus en gare de Strasbourg et les conduire au Parlement européen. Distance : trois kilomètres. "C'est beaucoup plus économique d'avoir des voitures collectives comme ça", répond Ilana Cicurel. Mais est-ce moins onéreux que de prendre le tramway, interroge notre journaliste. Il n'aura pas de réponse à sa question. 

Si la France est si attachée au siège de Strasbourg, c'est aussi parce qu'il nous rapporte beaucoup. À chaque session, c'est l'équivalent d'une petite ville de 3000 habitants qu'il faut accueillir. S'il fallait y renoncer "ça deviendrait très compliqué pour nous tous. Je préfère ne pas l'envisager", souligne Claire-Lise Baumann, directrice d'un hôtel à Strasbourg. 

Selon un rapport, grâce au statut de capitale européenne, ce sont jusqu'à 800 millions d'euros de retombées économiques chaque année pour la région de Strasbourg. "On voit un certain nombre de personnes qui se rendent à Europa-Park et qui vont passer une journée ou deux à Strasbourg pour découvrir ses institutions. Idem pour le marché de Noël. Et donc, tout cela participe à l'attractivité de ce territoire", plaide Pierre Loeb, lobbyiste et président de "Strasbourg pour l'Europe".

Pour que le siège quitte la ville alsacienne, il faudrait que la proposition réunisse l'unanimité des 27 pays membres, dont la France, qui n'est pas près de sacrifier son influence en Europe.


La rédaction de TF1info | Reportage TF1 : M. Des moulins, Q. Danjou, F. Amzel

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